Lucile Métout : « Connaître l’histoire familiale, c’est comprendre le patrimoine immatériel dont on a hérité »

Journaliste de formation et correctrice certifiée, Lucile Métout fait de l’écriture son métier depuis plus de 12 ans. Activement engagée dans sa reconversion au métier de biographe, elle met désormais son écoute et sa plume au service de ceux qui souhaitent raconter leur histoire sans savoir par où commencer. Ainsi les accompagne-t-elle dans la rédaction de leurs mémoires, mais également de leurs souvenirs de mariage, de voyages, d’une naissance, etc.

L’Inventoire : À quel moment de votre parcours vous êtes-vous dit que vous pourriez devenir biographe ? Quel a été le déclic ?

Lucile Métout : Comme beaucoup de petites-filles, j’ai le regret de ne pas avoir posé plus de questions à mes grands-parents avant les au revoir. Connaître l’histoire familiale, c’est comprendre tout le patrimoine immatériel dont on a hérité. Nous devrions tous avoir cette chance. Je l’ai compris en lisant les écrits laissés par l’une de mes grand-tantes à ses proches, en 2009. Je le mesure encore davantage depuis que je suis mère. Lorsque l’opportunité d’une reconversion s’est présentée à moi, à l’été 2020, j’ai découvert que le récit de vie pouvait être une activité à part entière. Plus je lisais de témoignages de biographes, plus je me reconnaissais. C’était exactement le sens que j’espérais donner à mon engagement professionnel.

J’ai quitté le titre de presse pour lequel j’écrivais, pour prendre le temps d’écouter les récits extraordinaires de gens ordinaires.

Ce choix est en continuité avec votre métier initial. Que vous apporte l’activité de biographe par rapport au métier de journaliste ?

Les mots m’ont très tôt fascinée. Leur justesse, leur puissance. Je suis aussi, depuis toujours, animée par le besoin de comprendre. Le journalisme a donc été une évidence. Pendant dix ans, mon quotidien a été fait de rencontres. J’ai interrogé, écouté et retranscrit pour informer. Lorsque j’ai quitté le titre de presse pour lequel j’écrivais, c’était pour cesser de courir contre la montre, pour prendre le temps d’écouter les récits extraordinaires de gens ordinaires. Ils sont partout. Je souhaitais leur consacrer la place qu’ils méritent.

Avez-vous l’impression d’être plus « utile » aux autres ?

Il m’est difficile de comparer l’information grand public et le récit destiné à un cercle restreint (familial, amical, professionnel ou associatif). Chacun est d’une très grande utilité. Ce qui est certain, c’est que j’ai le sentiment de me trouver à l’endroit exact où je devais être. Ma plus grande satisfaction est de constater que mes compétences permettent à mes clients de réaliser leur projet d’écriture.

Pour écrire au plus juste, le biographe doit s’imprégner du narrateur, comprendre sa façon de penser et de dire afin d’« entrer » dans sa voix.

Le rapport à l’autre est-il plus satisfaisant dans le cadre de ces aventures humaines au long cours (environ 6 mois pour chaque biographie de la 1re rencontre à l’impression du manuscrit) ?

Pour écrire au plus juste, le biographe doit s’imprégner du narrateur, comprendre sa façon de penser et de dire afin d’« entrer » dans sa voix. La relation qui s’établit est donc singulière : à la fois très intime et très professionnelle. Elle repose avant tout sur la confiance. J’aime voir ce lien se tisser et perdurer jusqu’à l’étape ultime, la remise du livre en main propre.

Combien de temps vous a-t-il fallu pour vous former à ce nouveau métier ?

Le cursus proposé par Aleph Écriture dure un peu plus de sept mois. Il est fait de théorie (cinq modules de trois jours), mais se base sur la pratique : les biographies de formation composées par les participants tout au long du parcours sont un socle d’apprentissage collectif. Ensuite, je dirais que l’on apprend continuellement. Chaque projet étant unique, sur mesure, l’activité de biographe implique une adaptation permanente.

Combien de pages comportent vos biographies ?

Au minimum 90. Mais cela dépend de plusieurs paramètres : la nature même du projet, le débit de parole, les aléas de la mémoire, le nombre d’entretiens fixés et la façon dont le narrateur les investit, etc.

N’est-ce pas frustrant de ne pas « signer » vos livres ?

Le prête-plume est un écrivain de l’ombre. L’enjeu est de parvenir à s’effacer pour donner à voir, à sentir, à entendre l’autre. Ce n’est donc pas la notoriété qui est recherchée. Cela dit, certains narrateurs tiennent absolument à ce que le biographe apparaisse comme cosignataire. L’an dernier, j’ai également eu la chance de retracer le parcours d’une dame à la troisième personne, conformément à sa volonté. C’était en quelque sorte : « La vie de M. vue par ». Je n’ai pas eu d’autre choix que d’apposer mon nom en couverture.

Quels sont vos prochains projets et que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

J’ai trois dossiers en cours : la biographie d’un homme à destination de ses proches, un récit de projet associatif et l’accompagnement d’un monsieur qui écrit lui-même ses mémoires. Trois projets très différents, mais également passionnants. Voilà ce que je souhaite, de la diversité, des rencontres, des moments forts et, surtout, la satisfaction de la mission accomplie.

DP

Pour aller plus loin : retrouvez l’actualité de Lucile Métout sur son site.

Crédits photographiques de la photo de vignette (de Lucile Métout) : Benjamin Fontaine