Silke Godier « Être biographe c’est associer de belles rencontres humaines à une activité d’écriture »

De langue maternelle allemande, Silke Godier a suivi des études linguistiques et littéraires (anglais/français) à l’université de Heidelberg (diplôme de Magister Artium en 1994). Elle a travaillé vingt ans en tant qu’enseignante de l’allemand-langue étrangère, et a entamé une reconversion au métier de biographe.

L’Inventoire : Vous avez suivi la formation de biographe à Aleph-Écriture  cette formation est-elle le fruit d’une réflexion sur une reconversion ou l’envie d’ajouter une activité d’écriture à d’autres pratiques professionnelles ?

Silke Godier : Ce qui m’a conduite vers la formation est en effet un cheminement vers une reconversion, après le dernier déménagement familial en été 2019. Le déclic m’est venu pendant le premier confinement, en avril 2020, lors d’un reportage télévisé dans lequel une biographe témoignait de son travail. Le désir d’être indépendante des changements que la vie m’impose, indépendante d’un employeur aussi, m’ont guidée dans mes réflexions.

Le désir d’être indépendante des changements que la vie m’impose, m’a guidée dans mes réflexions.

Le métier de biographe permet d’associer de belles rencontres humaines à une activité d’écriture. Même si cette dernière me tient à coeur depuis toujours, je n’avais, jusque-là, jamais osé la mettre davantage en avant et encore moins au service des autres. Le travail de biographe permet de rentrer dans une relation privilégiée avec une personne, de gagner sa confiance et de se mettre à sa disposition pour recueillir un témoignage qu’elle souhaite partager avec l’entourage proche ou un public plus large.

La formation au métier de biographe à Aleph a été pour moi le meilleur moyen pour concrétiser mon projet de reconversion, dans la perspective de faire de mes champs d’intérêt et penchants naturels ma profession.

Comment avez-vous eu l’idée d’écrire des récits de carrière professionnelle (plutôt que des biographies) ?

L’opportunité s’est présentée à moi lors de ma recherche d’un sujet pour la biographie de formation. En rencontrant la personne, elle est par la suite devenu mon premier biographié. Étant moi-même jusque-là novice et complètement ignorante du monde de la voile, l’idée d’un récit de carrière d’un navigateur avait tout pour me surprendre.

Le défi à facettes multiples me plaisait et m’a fait sortir de ma zone de confort. Je considérais le cadre de la formation comme une sorte de « bouée de sauvetage » en cas de difficultés.

Vous êtes d’origine allemande, est-il difficile d’écrire dans une langue qui n’est pas sa langue d’origine ou au contraire, cela rend-t-il plus libre ? 

Au delà de la liberté évidente pour aller à la découverte d’autres pays et cultures, la maîtrise d’une langue étrangère vous ouvre des champs lexicaux supplémentaires par rapport à votre langue d’origine. Vous pouvez piocher dans la palette de vocabulaire et d’expressions des différentes langues et enrichir ainsi votre langage, aussi bien oral qu’écrit. Même votre langue maternelle n’est plus pratiquée de la même manière.

J’ai fait l’expérience surprenante qu’il semble parfois plus facile d’aborder certains sujets dans une langue autre que sa langue d’origine. L’apprentissage d’une langue étrangère vous fait sortir de votre zone de confort

En tant que linguiste cela a-t-il une résonance différente pour vous ?

Personnellement, j’ai fait l’expérience surprenante qu’il semble parfois plus facile d’aborder certains sujets dans une langue autre que sa langue d’origine. L’apprentissage d’une langue étrangère vous fait sortir de votre zone de confort dans un premier temps. Il vous ouvre d’autres horizons par la suite.

Écrire dans une autre langue est également très plaisant et formateur. Cela vous permet de manipuler cette langue, d’expérimenter et de jouer avec elle (ce qui vous permet aussi de mieux connaître votre propre langue).

Comment avez-vous trouvé un éditeur pour votre biographie de formation ? Pourquoi était-ce important de le faire ?

La publication n’a pas été un objectif identifié de ma part. Dès le début de notre collaboration, mon biographié a exprimé le souhait pour une publication si le résultat du travail s’y prêtait.

Après avoir contacté plusieurs maisons d’édition nationales et régionales, je me suis finalement tournée vers un éditeur local qui, dès le départ, s’était montré intéressé par le texte. Il connait lui-même le navigateur et le considère comme une personnalité locale, voire régionale. Le livre sortira prochainement et sera présenté sur un salon du livre local. Le navigateur sera présent ce jour-là en tant que parrain du salon et dédicacera son livre pour ceux qui le souhaitent.

Ce récit biographique de carrière d’un navigateur dunkerquois va paraître le 20 mars 2022. L’avez-vous écrit sous votre plume ou sous le nom du biographié ?

Le biographié et moi-même sommes co-auteurs du livre. Le nom du biographié figure en grandes lettres en haut de la page de couverture, au-dessus du titre. En bas de la page, en plus petites lettres, nous avons ajouté : « Propos recueillis par …+ mon nom ».

Comment avez-vous choisi ce thème et cette personne ?

J’ai eu le contact du biographié par le biais d’une personne de mon entourage, simplement en parlant de mon projet de formation. Quand j’ai rencontré le navigateur pour lui présenter ce projet, le contact est bien passé entre nous, le projet l’intéressait.

À soixante-trois ans, ayant encore beaucoup de projets à réaliser, il se considérait trop jeune pour écrire le récit de sa vie. Aussi, le choix de la thématique s’est-il tourné vers un récit de sa carrière de navigateur professionnel.

Avez-vous eu beaucoup d’entretiens avec lui et comment s’est passé le travail entre vous ?

Pendant cinq mois, nous avons effectué dix entretiens, d’une durée de deux heures chacun. La confiance s’est rapidement installée entre nous et les échanges se déroulaient simplement et naturellement.

Ce qui m’a fascinée dans la personnalité du biographié, était la persévérance dans sa vie, à vouloir faire de sa passion son métier. Issu d’une famille plutôt modeste, comme il le dit lui-même, cela n’a pas toujours été facile pour lui. Préparer une course pendant des mois, voire des années – comme par exemple le Vendée Globe – , récolter des fonds pour pouvoir réaliser ses projets, cela demande beaucoup d’énergie. Le naufrage de son bateau en 2006 lors de la Route du Rhum a mis fin à la carrière de ce navigateur professionnel. Âgé alors de quarante-neuf ans, ce marin de passion mais aussi père de famille a dû trouver de nouveaux projets pour rebondir et subvenir à ses besoins et ceux de sa famille. Le jonglage permanent entre ses envies viscérales de vivre en mer et les responsabilités terrestres a fini par l’appeler à l’ordre.

Le récit oral était vivant et passionnant à écouter. Une des difficultés consistait à « apprivoiser » la masse d’informations et à procéder à la meilleure sélection des événements phares du parcours.

Préférez-vous écrire des ouvrages édités (diffusés auprès d’un large public) ou des récits plus confidentiels ?

La façon de travailler n’est pas tout à fait la même dans les deux cas de figure. L’identification des destinataires dès le début du travail est primordiale et influence la tonalité du récit.

Des questions déontologiques sollicitent une attention particulière dans le cadre d’une publication. L’expérience de la publication est intéressante et formatrice. La relation plus confidentielle avec une personne dans le cadre d’une biographie familiale me plait beaucoup.

La relation plus confidentielle avec une personne dans le cadre d’une biographie familiale me plait beaucoup.

À ce jour, je n’ai pas de préférence pour l’un ou l’autre. Je considère les deux formes d’ouvrages comme des expériences enrichissantes, pouvant compléter mes compétences dans le métier de biographe.

Quels sont vos projets actuels ?

Je suis actuellement en train de finir une biographie familiale et espère commencer de nouveaux projets dans les prochains mois. Très récemment, j’ai commencé un récit biographique d’un genre particulier, dont l’inspiration m’est venue de façon spontanée. Il est encore trop tôt pour moi pour poser un objectif clair à ce projet. Se limitera-t-il à un usage privé ou pourrait-il être conduit vers une publication, si jamais le résultat s’y prêtait ? Je le laisse cheminer pour l’instant dans le temps de la réflexion et de l’écriture.

Merci Silke, et bonne chance pour tous ces beaux projets.

DP

Silke Godier a suivi la Formation au métier de biographe dispensée par Aleph-Écriture.