Un été d’Ateliers Ouverts à l’Espace des Possibles, près de Royan

Ma rencontre avec l’Espace

Par Arlette Mondon Neycensas

Ce n’est pas sans inquiétude que je suis allée à la fin du mois d’août animer des Ateliers Ouverts à L’Espace des Possibles près de Royan. Lieu énigmatique dont je n’avais entendu parler que par bribes et sans y porter d’attention particulière. Je n’avais pas non plus pris connaissance des retombées des particules jetées par Houellebecq à la fin du siècle dernier sur la singularité de ce lieu.

L’Espace, comme il est communément appelé, se définit lui même comme un club de vacances où la poésie, la culture incarnée et le corps auraient droit de cité, un espace où il serait possible de rencontrer, de s’amuser, mais aussi d’expérimenter, de penser et de sortir de sa zone de confort.

Situé un peu à l’écart du monde au bord de l’estuaire, entre terre et mer, on entre dans l’Espace comme on entre dans une bulle. Lieu d’invention et d’échanges de savoirs, il est aussi un carrefour où se retrouvent une multitude de propositions d’ateliers aux intitulés aussi poétiques qu’énigmatiques comme : Le Yoga du rire, le massage climatis, la danse nomade quand elle n’est pas danse contact. Et d’autres encore, aux énoncés plus prometteurs : Réveillez les femmes en vous, La pleine conscience ou l’art d’être soi, Lâchez vos peurs pour contacter votre puissance.

Le  langage espacien nécessite un petit apprentissage même si les routards du lieu se font volontiers les traducteurs de ces formules mystérieuses. Ici on parle comme d’une évidence de la synergie du haut ou de la synergie du bas et ça se complique quand on vous affirme que la synergie du haut sera en bas à moins que ce ne soit l’inverse…  Parfois cette langue si singulière peut échapper à tout déchiffrage comme le jour où j’ai assisté à une réunion dans laquelle était accueilli avec solennité le désarroi d’une  « proposante » pour qui un indispensable « pouët pouët » lui avait fait cruellement défaut l’après-midi même.

C’est donc tout naturellement qu’à l’Espace on se parle, on se sourit, on partage, on accompagne ou on est accompagné. On croise sur les chemins au parfum de résine une personne qui lance je vais à la CNV, comprendre Communication Non Violente, ou une autre qui sourit à la sortie de son atelier d’auto-hypnose et confie je viens de découvrir un truc incroyable…  C’est comme ça… on ne comprend pas tout mais il y a quelque chose qui se passe, qui nous attrape. C’est peut-être ce petit quelque chose d’indéfinissable qui a fait dire à Barnabé (espacien aussi novice que moi) avec qui je partageais mon petit déjeuner : Tu ne trouves pas qu’ici tout le monde à l’air un peu fêlé, d’ailleurs c’est touchant. 

Oui c’est vrai… On peut même dire que c’est grâce à ces fêlures imperceptibles, ouvertes par le chaos de la vie que souffle le vent d’inventivité de ce lieu : ça tourne, ça tourbillonne, ça circule, ça vit.

Dans le fond cette terre ne m’était pas si étrangère et malgré une arrivée sur les chapeaux de roues, j’ai gravi un raidillon sous un soleil incendiaire  pour rejoindre une salle à l’ombre des pins maritimes nommée le Toit.  C’est ici que j’ai animé cinq séances d’Ateliers Ouverts à partir de livres d’auteurs contemporains. Treize participants, pour la plupart habitués de l’endroit m’ont accueillie plus que je ne les ai accueillis. Parmi eux quelques-uns avaient une pratique d’écriture, d’autres pas du tout et certains avaient suivi ou suivaient des ateliers Aleph.

Pour la première séance nous avons expérimenté l’écriture épistolaire à partir du livre d’Arlette Farge Il me faut te dire  avec l’idée que, passé un certain âge, tout le monde avait déjà écrit une lettre ou du moins tout le monde avait rencontré dans sa vie, une fois, la nécessité de dire quelque chose qui lui tient à cœur. La surprise est venue de celles ou ceux qui n’avaient jamais écrit quand leurs mots, ignorés d’eux même l’instant d’avant,  se sont fait entendre dans le silence de la lecture à voix haute.

Nous avons continué avec Tanguy Viel et L’article 353 du code pénal, roman plus noir que polar, dont certains n’ont pu se résoudre à commettre un quelconque délit comme l’invitait à le faire la proposition. Nous avons fait un détour par la prose poétique de Corinne Lovera Vitali et nous avons terminé par le collectif L’AJAR avec Vivre près des tilleuls pour l’aventure d’une écriture à plusieurs mains qui a produit des récits souvent drôles et surréalistes.

Quant à la dernière séance, destinée à choisir un texte pour la lecture de la synergie du soir (comprenez partage des ateliers), j’ai été surprise d’entendre Anselme me dire: je ne peux pas lire ce que j’ai écrit à partir du livre l’article 353, le type que j’ai tué dans le texte il sera là ce soir. Ça m’a fait sourire et j’ai pensé : à l’Espace il n’y pas que des bleuettes, il est aussi possible d’avoir des fantasmes de meurtre…

Qui a dit que l’Espace n’était pas un lieu comme un autre ?

 

Arlette Mondon Neycensas

Formatrice en écriture professionnelle et littéraire dans le champ du social, Arlette Mondon Neycensas anime un Atelier à La Machine à Lire à Bordeaux le 13 novembre, à France Langue le 7 novembre et à La Colline aux livres à Bergerac le 16 novembre.
Retrouvez toutes ses formations pour Aleph-Écriture ici. A découvrir dès le 22 janvier 2018, son stage sur la nouvelle flash !

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