À l’occasion de la parution de son dernier livre, Un village pour aliénés tranquilles chez Fayard, nous organisons une rencontre avec Juliette Rigondet, intervenante d’Aleph-Écriture. Cette rencontre se déroulera le samedi 22 juin de 14 h à 16 h dans la salle 101 de France Langue Paris.

Juliette Rigondet écrit notamment des portraits pour la revue L’Histoire, des enquêtes ou des documentaires sur des sujets de société. Elle est l’auteure de deux documentaires littéraires: « Le Soin de la terre » (Tallandier 2016) et « Un village pour aliénés tranquilles » qui vient de paraître aux Éditions Fayard. Avant de lui consacrer prochainement un entretien au sujet de son dernier livre, un récit où elle revient sur les lieux de son enfance, le village de Dun-sur-Auron où cohabitaient à la fin du XIXème siècle des « aliénés tranquilles » et des villageois, voici 3 aspects de son approche de l’enseignement du récit documentaire (source Aleph-écriture).

L’Inventoire : Quels sont les rapports entre récit documentaire et littérature ?

Juliette Rigondet : Quand et comment le récit documentaire devient-il littérature ? La décision des jurés des prix Fémina et Renaudot de primer cette année Le Lambeau de Philippe Lançon — texte « hors norme » qui raconte « de l’intérieur » (selon Le Nouvel Obs) l’irruption de la mort dans la vie, la solitude extrême face à l’horreur –, comme l’hommage décerné, l’an passé, par l’Académie Goncourt à L’Ordre du jour d’Eric Vuillard, montrent que ce n’est pas le seul « imaginaire » qui ourdit la tapisserie de la littérature. C’est en effet, au moins autant, la singularité d’une voix et la capacité à faire surgir, dans une langue incarnée, un monde, des êtres et des moments uniques : à fixer l’éphémère en nommant ce qu’il y a de plus banal et de plus extrême dans l’expérience humaine.

L’Inventoire : Votre approche du récit documentaire semble basée, au delà du document, sur l’émotionnel et le regard personnel.

Juliette Rigondet : Ré-arrimer au réel suppose une conversion du regard de l’intérieur vers l’extérieur, des écrans qui nous subjuguent vers un monde sans voile.

Dans le stage que j’anime, vous réapprenez à ouvrir vos écoutilles, à regarder, respirer et sentir comme pour la première fois les êtres et les choses qui vous entourent… Puis à trouver ou forger, pour les dire, vos mots et expressions, votre langue à vous, afin d’en livrer votre lecture: sensible, humaine, singulière et universelle donc littéraire.

L’inventoire : Quels sont les objectifs du stage que vous animez sur ce thème à Aleph-écriture ?

Juliette Rigondet : Retrouver le monde, celui qui est sous vos yeux mais que vous ne regardez, palpez, écoutez, respirez, souvent, en ne faisant que passer: trop vite, sans le saisir, sans le vivre.

S’y immerger, pour saisir cette réalité avec la singularité de votre regard, de votre sensibilité et de votre langue, puis la faire exister et durer, pour d’autres, sous votre plume.

Se laisser surprendre par ce réel. C’est pour échapper au désir de «contrôle» et «d’attendu» qu’Emmanuel Carrère dit s’être tourné, depuis des années, vers «ce qui est de l’ordre du documentaire»: pour«attendre de l’inattendu, espérer de l’inespéré», pour que la réalité «défasse ce qu’[il] a essayé de faire»(Le Monde, 12 octobre 2018).

Propos recueillis par A.E.

A retrouver dans Livre Hebdo

Pour en savoir plus sur les prochains stages Aleph-Écriture de Juliette Rigondet, c’est ici.

https://www.fayard.fr/histoire/un-village-pour-alienes-tranquilles-9782213702100