Réveiller les dormeurs. Constance Debré « Play-boy »

Le premier roman de Constance Debré : Play boy (Editions Stock)
Elle est issue d’une famille de hauts fonctionnaires et de médecins. Elle le dit, pas possible de faire l’impasse sur son nom de famille, Debré. Le truc c’est qu’elle a rencontré une fille. C’est pour ça qu’elle écrit le livre, pas pour parler de sa famille. Une histoire d’amour pas comme les autres, comme son parcours, très singulier.

Des phrases courtes comme un coup de poing. Un chapitre sur la vie, le prétoire, la famille, les amis du père, un chapitre sur la fille. Pas son genre pourtant. Bourgeoise, normale, blonde, 10 ans de plus qu’elle. Mais une histoire d’amour n’est jamais normale, et puis c’est très différent avec une femme, c’est de ça dont il est question aussi. Surtout quand on a déjà été mariée avec enfant(s), appartement, voiture, et tout le bazar.

Parce que oui, c’est différent. Une femme c’est un corps pareil, des émotions pareil mais pourtant rien n’est connu, rien n’est écrit, tout est à inventer. Amour, amitié, sexe, fascination, envoûtement. La narratrice ne sait pas trop, mais elle prend tout. Elle prend ce qu’on lui donne, elle fait le garçon, le « play-boy », pas la place la plus facile dans l’histoire. La dame qu’elle aime a l’habitude d’être servie, elle ne sait pas exactement pourquoi elle fait tout ça, seulement que c’est la meilleure chose à faire par rapport à tout ce qu’elle a connu avant.

C’est court, étonnant, ça réveille. C’est pour ça que Constance Debré écrit d’ailleurs, pour réveiller ceux qui dorment et défaire les clichés du genre. Play boy pas girly qui se laisse aller à aimer.

Un roman d’amour et d’apprentissage, un changement de cap, un changement de vie, mais une écriture au rendez-vous de la nervosité hypnotique de l’amour la première fois. À lire, forcément.

Danièle Pétrès

Extrait: » Je croyais que j’étais pas snob. Je croyais que j’allais avec tout. Les aristos de province, les ex du Palace, les nostalgiques de Trust, les conseillers d’Etat, les flics, les putes, les dealers, les chauffeurs de taxi, les livreurs de pizzas, les normaliens, les sans-papiers, les gigolos, les mondains et les paumés. Des parents bourges toxicos, ça forme. Et puis le boulot aussi. Mais la petite bourgeoisie, j’avoue, je connaissais pas. On m’avait pas dit que ça existait. Je l’avais jamais rencontrée. Ce sont ceux que des gens comme moi ne voient jamais. J’ai des réflexes de classe avec elle. Quand elle dit mince, quand elle dit mômes, quand elle me vouvoie pour faire chic, quand elle enlève ses chaussures chez elle ou qu’elle dîne trop tôt. C’est plus fort que moi. J’essaie de me corriger. Je me dis que ça sert aussi à ça, l’amour. »