siri-hustvedt-writer-2011Du 20 novembre au 5 décembre 2013

Notre rubrique « L’Atelier ouvert » vous propose de lire et d’écrire à partir de parutions récentes. Une sélection sera publiée quinze jours plus tard dans les pages de L’Inventoire.

Cette semaine  Alain André  propose une consigne d’écriture à partir du livre de Siri Husvedt « Vivre, penser, regarder » (Actes Sud, 2013).

Extrait

« Si l’image corporelle est l’idée que nous nous faisons de notre apparence, le style est censé exprimer ce que nous croyons être, et puisque ce n’est pas nus mais habillés que nous passons la plus grande partie de notre vie, les vêtements peuvent efficacement communiquer quelque chose à propos de notre caractère. Sobres et soignés, pleins de fantaisie, de charme ou de modestie, voyants ou agressifs, ce sont autant d’indicateurs d’une personnalité. Quand je m’habille, c’est avec l’espoir que les robes, pantalons, chemisiers, vestes, chaussures, bottes, foulards, sacs et tout le reste du fourniment de l’élégance vestimentaire dont je ferai le choix parleront pour moi, suggèreront au monde une idée que j’ai de moi-même. Il est intéressant de se demander comment naissent de telles idées. J’ai, en près de trente ans de mariage, appris que mon mari considère toute chemise dont le tissu brille (ne serait-ce qu’imperceptiblement) comme une abomination qui fait offense à sa personnalité véritable. Ma sœur Liv porte des quantités de bijoux et cela lui va magnifiquement. J’ai parfois essayé de l’imiter mais, immanquablement, j’enlève tout et ne garde sur moi que ce que je porte toujours – des boucles d’oreille. Des quantités de bijoux, ce n’est pas « moi », tout simplement. Mais que signifie cet « être moi » ? D’où cela sort-il ? »

Suggestion

Ce paragraphe fait partie du troisième d’un article publié pour la première fois en mai 2005 et repris dans Vivre Penser Regarder (2012 et Actes-Sud, 2013). Siri Hustvedt y rassemble quelque cinq cents pages de publications diverses sous la bannière de « l’essai subjectif » à la façon de Montaigne. « Hors du miroir » s’ouvre sur un constat imparable : « Je vois de moi-même beaucoup moins que n’en voient les autres ». L’auteur nous fait ensuite observer que, « faute de nous voir réellement nous-mêmes », nous avons une « idée » de quoi nous avons l’air : une image ou une identité corporelle. Et que notre « style », donc, vestimentaire notamment, est censé « exprimer » cette « identité ». Chacun de nous, en effet, doit faire avec une vraie difficulté : nous ne nous voyons pas (des maigres se croient gros ou inversement), mais nous avons, de façon au reste fluctuante, une « vision de notre moi idéalement habillé ». S’habiller, n’est-ce pas apprendre à régler cet idéal sur une perception point trop falsifiée de notre apparence ? Et, par conséquent, faire le deuil de notre tendance à l’imitation (Siri se couvrant de bijoux pour faire comme Liv) ? L’auteur pense savoir d’où lui vient cette image idéale : du glamour hollywoodien. Tout aurait commencé avec le costume marin blanc bordé de bleu que porte Hayley Mills, dans le rôle de l’héroïne de Pollyanna, un film de Walt Disney ! Et vous ? Quelle image corporelle avez-vous de vous-même ? Comment faites-vous avec la tension entre cette image et la vision de votre moi idéalement habillé ? De quoi (quels souvenirs, quelles images, quelles références) cette « vision idéale » est-elle constituée ? Racontez. Envoyez-nous le meilleur du résultat – une page.

Lecture

Siri Hustvedt, d’ascendance norvégienne mais née en 1955 dans le Minnesota, est désormais reconnue comme une romancière d’importance majeure. Son troisième roman, Tout ce que j’aimais (2003), lui a permis d’atteindre un large public. Les autres sont également publiés chez Actes-Sud, depuis Les Yeux bandés (1993), L’Envoûtement de Lily Dahl (1996) ou Élégie pour un Américain (2008) jusqu’à Un été sans les hommes (2011). Je les ai tous lus avec bonheur. La sensibilité de Siri Hustvedt est extrême (comme on peut le ressentir dès la lecture des Yeux bandés, qui explore avec hardiesse les influences s’exerçant de façon inconsciente entre les êtres). La boulimie de savoir et de comprendre de cette titulaire d’un doctorat en littérature anglaise, qui refusa de s’enfermer dans les frontières étroites d’une seule discipline universitaire, est également sans limites. Ses essais colligent sans relâche ni hésiter à « vulgariser » parfois (il n’est jamais inutile de revisiter ses propres classiques, quand ils sont articulés de façon décapante) l’expérience littéraire, l’héritage de la psychanalyse et les derniers travaux des neurosciences. Cette transversalité lui permet d’aborder à neuf des thématiques parfois anciennes : origines (Yonder, 1999), troubles neurologiques (La femme qui tremble, 2010), peinture (Les mystères du rectangle, 2006) ou encore érotisme (Plaidoyer pour Éros, 2009). Vivre Penser Regarder interroge à la fois ces trois activités éponymes et leurs liens. J’y ai glané de merveilleuses pages sur la vie, l’écriture et la fiction, l’art, la photographie et tout ce qui les lie.

Alain ANDRÉ

P.S. : Si vous avez envie de rencontrer Siri Hustvedt pour la première fois, faites une recherche sur internet et ouvrez l’interview qu’elle a donné au public d’une librairie bordelaise (www.mollat.com).

Cette proposition vous intéresse ? Envoyez votre texte entre le 20 Novembre et le 4 Décembre atelierouvert@inventoire.com.

Votre texte sera peut-être sélectionné pour apparaître prochainement sur notre site !

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